Le mercredi 21 janvier 2015 était présenté en avant-première le film SNOW THERAPY, au cinéma Le Méliès à Montreuil, en la présence de son réalisateur Ruben Östlund. Le film sortira dans nos salles le 28 février 2015.
Titre : Snow therapy
Titre original : Turist
Réalisation : Ruben Östlund
Scénario : Ruben Östlund
Acteurs : Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara Wettergren, Vincent Wettergren, Kristofer Hivju, Fanni Metelius...
Sortie en salles : 28 février 2015
Genre : Drame
Synopsis : Une famille suédoise passe quelques précieux jours de vacances dans une station de sports d'hiver des Alpes françaises. Le soleil brille et les pistes sont magnifiques, mais lors d'un déjeuner dans un restaurant de montagne, une avalanche vient tout bouleverser. Les clients du restaurant sont pris de panique, Ebba, la mère, appelle à l'aide son mari Tomas en essayant de protéger leurs enfants, alors que Tomas, lui, a pris la fuite ne pensant qu'à sauver sa peau...
Ma critique : Paradoxalement, le titre international du film (c'est à dire le titre anglais) est Force majeure, alors que le titre français du film est en anglais : Snow therapy. Pour une fois, le choix du titre français d'un film est meilleur que le titre anglais et que l'original, Turist en suédois. SNOW THERAPY présente dans ses premières minutes l'archétype de la famille parfaite : la photo de groupe, le brossage des dents chronométré... Tout se fait en famille et avec le sourire. Sauf lors d'un cas de force majeure, lorsqu'une avalanche manque de peu de ravager la terrasse d'un restaurant. Tomas, le père, s'enfuit. La mère, elle, reste à protéger ses enfants. Cette fuite lâche et ce manque d'héroïsme crée le trouble au sein de la famille jusqu'à la fin du séjour, si ce n'est pour toujours...
De gauche à droite : Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara Wettergren et Vincent Wettergren |
C'est cette idée du rôle paternel et maternel que Ruben Östlund remet en question, mais aussi celles de l'héroïsme et de la masculinité. Ruben Östlund part d'une "histoire vraie" : deux de ses amis auraient été témoins d'une fusillade durant laquelle l'homme aurait pris la fuite, abandonnant sa femme. De là est venu la fascination du réalisateur pour les réactions des êtres humains lorsqu'ils sont livrés à leur instinct de survie. Le réalisateur explique que ce sont surtout les hommes, et plus généralement les membres de l'équipage d'un bateau, qui survivent à un naufrage, pensant avant tout à se sauver eux-mêmes. Dans Titanic, Jack aurait donc très vite abandonné Rose...
Östlund part d'une idée simple et intelligente, voire d'un fait social, pour mener une réflexion sur l'être humain et les limites de son humanité. Il remet aussi en question les croyances et théories collectives, notamment à travers le personnage de Mats, interprété par Kristofer Hivju, qui tente d'apporter son idée sur le sujet pour tenter de voir claire dans cette situation : celle d'une femme qui doute de son mari suite à un acte jugé "lâche", d'un homme qui pourtant tient à sa famille et qui ne comprend pas lui même sa réaction. Il est d'ailleurs d'emblée considéré comme lâche, comme une "poule mouillée". Cela mène à une dualité entre un mari plein de honte, qui tente tant bien que mal de garder sa dignité, et sa femme qui ne cesse de le rabaisser, victime ainsi d'une naïveté qui la conforte dans l'idée qu'un homme digne de ce nom doit être héroïque. S'il ne l'est pas, c'est qu'il est égoïste. Mais son ignorance de la douleur de l'autre est tout aussi égoïste. Ce topos de la dualité de l'homme faible face à la femme castratrice fait de SNOW THERAPY un Eyes wide shut dans la neige.
Ruben Östlund filme avec brio la station de ski française des Arcs en Savoie, notamment lors de très belles scènes de nuit, en jouant avec la luminosité et en animant la station avec une sorte de ballet de chasses-neige sur fond de musique classique, pendant que des déclenchements préventifs d'avalanches résonnent dans la montagne. Comme le monde urbain et ses transports dans Play (2011), le film précédent de Ruben Östlund, l'environnement influence et guide les personnages. Alors que la jungle urbaine étouffait les jeunes de Play, les forces de la nature agissent ici sur le comportement des personnages de SNOW THERAPY. Avec ce film, la démarche du réalisateur est plus assurée que dans son long-métrage précédent, en prenant plus de libertés dans la bande son et avec un jeu entre différents registres, même si on y retrouve certains points communs, comme l'importance des plans fixes.
Le film est aussi drôle que touchant, avec des scènes tordantes et d'autres tragiques, notamment lors d'une scène où Tomas font en larme comme en enfant, après avoir simulé des pleurs plus "virils". Ebba, sa femme, est incapable de réagir face à un mari alors censé incarner la virilité, qui perd la face. Ce dernier, interprété par Johannes Bah Kuhnke, découvert chez nous dans le rôle de Rick dans la série Real humans (Äkta människor en suédois), est excellent dans le rôle ambigu et complexe du père. Lisa Loven Kongsli est tout aussi juste dans le rôle d'une femme plongée dans le doute. Même si Östlund analyse les stéréotypes masculins et féminins à travers le portrait "bergmanien" d'un couple, il ne caricature pas pour autant chacun des personnages.
On regrette toutefois une fin qui manque quelque peu de subtilité, dans laquelle le metteur en scène cède à la facilité du retournement de situation et de la morale explicative qui contredisent le propos défendu plus tôt, pour en venir à la conclusion que tout le monde réagit égoïstement dans une situation de panique. Dans le souci de ne pas achever ses films là où un film américain s'achèverait, comme il le dit lui-même et comme c'était déjà le cas avec Play, Ruben Östlund fait malheureusement trop durer leur fin.
Mais il est si bon et si rare de pouvoir apprécier un film européen qui mêle avec autant de talent humour et tragédie, et qui propose une idée originale servie par un scénario solide et d'excellents dialogues écrits par le réalisateur, qu'il ne faudrait pas passer à côté d'une telle réussite.
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