Titre : Jeune & jolie
Réalisation : François Ozon
Acteurs : Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot, Fantin Ravat, Johan Leysen, Nathalie Richard, Djédjé Apali, Charlotte Rampling...
Année de sortie : 2013
Genre : Drame
Synopsis : Isabelle fête ses 17 ans un bel été ensoleillé au cours duquel elle rencontre un garçon et perd sa virginité. La rentrée venue, de retour à Paris, l'héroïne retrouve ses contemporains au lycée Henri-IV et, a priori, a toutes les raisons de poursuivre sagement ses études dans les beaux quartiers. Sauf que...sans raison apparente, Isabelle mène désormais une double vie et, sous un autre prénom, Léa, se livre à la prostitution dans les hôtels de luxe.
Infos utiles : JEUNE ET JOLIE a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2013. Jeune et Jolie est le nom d'un magazine destiné aux jeunes filles entre 15 et 24 ans, dont la parution s'est arrêtée en 2010. Serge Hefez, qui interprète le rôle du psychologue, exerce véritablement ce métier. Au départ, il devait être un simple conseiller pour le scénario de François Ozon.
Ma critique : Après le très bon et tout récent Dans la maison (2012), François Ozon frappe encore plus fort avec JEUNE & JOLIE, présenté en compétition au Festival de Cannes 2013. Le film est découpé en quatre actes, en fonction des quatre saisons, de l'été au printemps, chacune caractérisée par une chanson de Françoise Hardy. Sur le ton d'une mise en scène sobre et douce parfaitement maîtrisée, le film joue avec la symétrie des thèmes évoqués. Il ne cesse de jongler tout d'abord entre passé et présent, comme avec le contraste fort entre les chansons nostalgiques de Françoise Hardy et celles écoutées pas les jeunes actuels (Citizen, Crystal Castles), et entre la transformation mentale d'Isabelle et la transformation physique de son petit frère, en pleine puberté. Le personnage d'Isabelle ne cesse de franchir des caps, chaque étape de son parcours initiatique étant marquée par une saison. Le film explore toutes les sexualités, celle de la lycéenne, de ses amis, de son petit frère, de ses parents et des amis de ceux-ci.
La sexualité d'Isabelle, ou plutôt de Léa, lorsqu'elle se prostitue, n'est jamais une sexualité débridée ni provocatrice. Isabelle ne le fait ni pour l'argent ni pour le plaisir. Elle le fait pour les moyens, et non pour la fin, d'une certaine façon comme la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont dans Les liaisons dangereuses, que lit d'ailleurs Isabelle dans les transports. Autre remarque, Les liaisons dangereuses fait partie du programme littéraire lycéen, un détail qui n'a pas échappé à la profonde analyse de la jeunesse par François Ozon. Ainsi JEUNE & JOLIE n'est en rien un éloge de la prostitution des mineurs. Le regard porté sur cette adolescente est un regard adulte - à l'inverse de films tels que LOL (de Lisa Azuelos) - un regard extérieur qui ne peut jamais prendre plaisir aux ébats d'Isabelle, mais par contre dénué de tout jugement moral. Ozon n'approche le sujet ni de manière érotique ni de manière moralisatrice. Sans esthétiser les scènes d'ébats, avec une mise en scène académique - la beauté d'Isabelle se suffisant à elle même -, il ne juge pas les actions de son héroïne, il en fait simplement un portrait creusé en profondeur. Ozon ne porte un propos négatif ni sur l'activité d'Isabelle/Léa ni sur celle de ses clients, sans toutefois en défendre aucune. Le propos du film n'est ni féministe ni misogyne, et ne cède pas à la facilité des clichés.
Même si le spectateur ne joue jamais le rôle de voyeur - thème pourtant déjà évoqué dans le film précédent d'Ozon - il ne peut résister à la beauté d'Isabelle, plus particulièrement de Marine Vacth, une jeune mannequin de 22 ans qui s'était auparavant essayée dans de petits rôles, comme dans Ma part du gâteau (de Cédric Klapisch) et Ce que le jour doit à la nuit (de Alexandre Arcady), avant d'être révélée par François Ozon. Il en capte toute la beauté, du visage et du corps, sans jamais sombrer dans la provocation ni l'érotisme crasseux. Il en dresse un portrait acidulé, tout comme l'image en harmonie parfaite avec les costumes et le rouge à lèvre d'Isabelle. Marine Vacth, magnifique, offre une interprétation remarquable. Ozon, qui semble avoir trouvé dans l'adolescence une source d'inspiration, film avec justesse et réalité ce monde beaucoup trop stéréotypé généralement. Il en fait resurgir des visages intéressants, comme celui de Laurent Delbecque (Michael Kohlaas, Simon Werner a disparu...), et comme lors de la scène de cours durant laquelle des lycéens récitent le poème "On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans" de Rimbaud. Toujours en s'affranchissant de clichés, il filme aussi bien les relations d'Isabelle avec ses amis et ses petits copains, notamment avec le deuxième, avec lequel elle use de son expérience sexuelle passée pour achever un rapport sexuel, que la vie de famille, notamment ses relations avec son frère, parfaitement interprété par Fantin Ravat, pris d'une espèce de fascination sexuelle envers sa soeur au point de l'espionner lorsqu'elle bronze à demi-nue, ou ses relations avec sa mère, qui semble tromper son mari. On en vient à se poser la question, notamment lorsqu'Isabelle évoque le sujet avec sa mère, si finalement cette dernière n'est pas aussi "fautive" que sa fille.
La force de JEUNE & JOLIE, en plus de sa mise en scène, est l'interprétation des acteurs et la justesse et la crédibilité avec laquelle ils jouent. On retrouve dans le rôle des parents Géraldine Pailhas (Les revenants, Bus Palladium) et Frédéric Pierrot (Monsieur N., Le prochain film), excellent. Charlotte Rampling (Swimming pool, Melancholia), actrice fidèle à Ozon, est également présente dans le film.
JEUNE & JOLIE est un film aussi sensuel que dramatique, qui s'abstient de tout jugement moral et stéréotypé, abordant de front le sujet de la sexualité et de la jeunesse.
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Marine Vacth |
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