dimanche 9 novembre 2014

Nous avons gagné ce soir

Retour sur NOUS AVONS GAGNÉ CE SOIR, un film noir sur le monde de la boxe signé Robert Wise (West Side story, La mélodie du bonheur).


Titre : Nous avons gagné ce soir
Titre original : The Set-up
Réalisation : Robert Wise
Scénario : Art Cohn, d'après le poème de Joseph Moncure March
Acteurs : Robert Ryan, Audrey Totter, George Tobias, Alan Baxter, Wallace Ford, Percy Helton, James Edwards, Tommy Noonan...
Sortie en salles : 14 octobre 1949
Genre : thriller

Synopsis : A trente-cinq ans, Bill "Stoker" Thompson est un boxeur de seconde zone dont l'heure de gloire n'a jamais vraiment sonné. Il a depuis longtemps déserté les grandes salles, condamné à disputer des matchs de fin de programme sur des rings miteux. Son épouse Julie aimerait le voir raccrocher les gants. Tony, son manager, croit si peu en son boxeur que, sans lui en parler, il a conclu un marché avec l'entourage de Tiger Nelson, le jeune challenger que Stoker doit affronter ce soir : contre cinquante dollars, il les a assurés que Stoker se coucherait au troisième round. Mais ce soir, Stoker Thompson jouera un autre match que celui qu'on a prévu pour lui : ce soir, il jouera le match de sa vie.

Ma critique : Au cinéma, la boxe anglaise s'est souvent illustrée dans le film noir. Elle est un moyen idéal pour refléter le monde de la mafia qui truquait les combats. Les matchs de boxe n'étant plus truqués, les films contemporains s'intéressent davantage au statut même du boxeur et de l'influence de ce sport sur sa vie, comme c'est le cas dans Fighter de David O. Russell. NOUS AVONS GAGNÉ CE SOIR met en scène l'univers que décrira le poids moyen Jake LaMotta dans son autobiographie plusieurs années après, soit le monde de la corruption et l'impuissance d'un boxeur manipulé comme une marionnette. Le film de Robert Wise est une œuvre sur la temporalité et l'enchaînement des actions, avec tout un jeu sur les horloges qui indiquent l'heure tout au long du film. Ainsi, l'histoire se déroule entre 21h05 et 22h17, soit quasiment la durée du long-métrage.

Wise interroge les différents statuts du boxeur, et substitut la salle de boxe à son héros, qui devient le véritable personnage principal du film. Dans ce lieu singulier, où ils sont entassés dans les coulisses avant leur show, les boxeurs entrent et sortent, certains gagnent, d'autres échouent, certains connaissent leur première victoire et d'autres voient leur carrière s'effondrer. Certains citent la Bible, d'autres évoquent leur carrière. Il y a un parallèle entre les jeunes boxeurs et les plus vieux. Même à travers les plus jeunes on anticipe une descente eux enfers future, à laquelle aucun boxeur ne peut échapper. La gloire est éphémère, elle n'est qu'illusion, on se retrouve vite au tapis. C'est le cas de Stocker, qui est sur le fil du rasoir, au bord de l'échec, face à une situation sans issue. Il en est à un point où il ne peut pas échapper à la défaite, au knock-out : il finira avec des bleus quoi qu'il arrive, que ce soit sur le ring ou dans la rue. Seule sa bien-aimée représente un espoir, la seule victoire de sa vie.


NOUS AVONS GAGNÉ CE SOIR fait preuve d'un réalisme fort, sans nuances, notamment par la durée du match de trois rounds en temps réel. Robert Wise n'hésite pas à montrer les plaies, la sueur, et n'esthétise pas la violence comme ont pu le faire bien d'autres films sur le sujet. Wise montre la boxe sous tous ses aspects. Il en montre la corruption, les profits financiers, les aptitudes physiques, mais aussi le spectacle que représente ce Noble Art. Le réalisateur dresse aussi le portrait de spectateurs types avec humour : l'un se goinfre, un autre mime les coups depuis son siège. Il filme les spectateurs comme des Romains assisteraient à un combat de pugilistes dans l'Antiquité. Un spectateur aveugle assiste au combat. Alors que l'on pourrait se demander l'intérêt d'assister à un combat sans pouvoir le voir, ce personnage remet justement en question le spectacle, et désigne la futilité de voir un combat truqué. Le spectateur aveugle est aussi dérisoire que l'illusion du combat.

La traduction française du titre est très intéressante. En une phrase, elle résume tous les enjeux du film : l'idée de victoire, est-ce la victoire du combat ? ; la boxe est un sport individuel, donc à qui renvoie le "nous" ? Serait-ce alors question d'une autre victoire ? ; "Ce soir" renvoie à la temporalité du film. NOUS AVONS GAGNÉ CE SOIR est un très beau film sur la boxe et sur la manière de mettre en scène le suspens au cinéma, comme le fera Stanley Kubrick dans Le Baiser du tueur (1955), qui se déroule après la défaite d'un boxeur, et dans L'Ultime razzia (1956), dans lequel l'intrigue se déroule quasiment en temps réel durant une course hippique.

Robert Ryan et Audrey Totter

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