mardi 22 décembre 2015

Critique : Docteur Frankenstein

Docteur Frankenstein,
l'homme derrière la bête

Depuis le début du XXIème siècle, le cinéma fait renaître les grandes figures du cinéma, elle-mêmes issues de monuments littéraires. Près d'un siècle plus tard, on connaît notamment un regain d'intérêt pour les célèbres monstres du studio américain Universal, qui ont fait la gloire d'acteurs tels que Boris Karloff (Frankenstein), Bela Lugosi (Dracula) ou Lon Chaney Jr. (Le Loup-garou), qui ont connu une renaissance déjà avec le studio britannique de la Hammer, avec le regretté Christopher Lee, disparu cette année, et Peter Cushing.

Aujourd'hui, on ne compte plus les nouvelles adaptations, de Wolfman (de Joe Johnston) à Dracula Untold (de Gary Shore) en passant par I, Frankenstein (de Stuart Beattie). Le mercredi 25 novembre 2015, c'était au tour de DOCTEUR FRANKENSTEIN, réalisé par Paul McGuigan (Push, Slevin) et écrit par Max Landis, qui n'est autre que le fils de John Landis, de ressusciter le célèbre monstre, à travers une relecture moderne du chef-d'oeuvre littéraire de Mary Shelley.


Le film ne reprend que les grandes lignes du roman. Igor (personnage absent de l'oeuvre originale) est un clown bossu et malmené par la troupe du cirque où il travaille. Mais il est aussi un brillant médecin  on peine à croire à ce dernier point. Un jour, un certain docteur Frankenstein vient assister à un numéro de voltige qui se finit mal. Suite à la chute de la voltigeurs, Igor fait preuve de ses talents de médecin au docteur, qui voit en lui un grand potentiel. Frankenstein délivre le clown de son cirque, dans une scène d'action aux ralentis remarquables, et en fait son associé. Ensemble, ils tenteront de créer la vie à partir de membres de cadavres volés, ce qui n'échappe pas aux yeux de la police de Scotland Yard...

En anglais, le titre du film est Victor Frankenstein. Le réalisateur lui-même dit avoir voulu faire un film sur le créateur du monstre plutôt que sur sa créature, car les personnes ont en général tendance à associer le nom de Frankenstein à celui de sa création. Cette idée s'illustre d'ailleurs dans le film, de façon explicite, lorsque Igor dit à Frankenstein que les gens se souviendront de la bête, et non de l'homme.

On retrouve dans DOCTEUR FRANKENSTEIN l'excellent Daniel Radcliffe (A Young Doctor's Notebook), dandy anglais qui s'est brillamment reconverti dans le cinéma fantastique après la saga Harry Potter, avec Horns d'Alexandre Aja et La Dame en noir de James Watkins. Par son accent mélodieux et sa gestuelle comique (on pense à Buster Keaton), Radcliffe incarne la classe britannique et transforme chacun de ses rôles en performance. James McAvoy (Le Dernier Roi d'Écosse, Trance) lui donne la réplique avec une interprétation surexcitée de Victor Frankenstein, donnant au docteur une fantaisie tout à fait savoureuse et plus que bienvenue. Les deux acteurs font la paire et se renvoient la balle avec brio à travers des scènes humoristiques réussies, comme celle où le docteur apprend à Igor que sa bosse n'est en fait qu'une grosse pustule.


DOCTEUR FRANKENSTEIN s'inscrit dans une lignée de films qui mêlent deux genres : film de costume et film de science-fiction à la manière steampunk, comme l'avait fait Guy Ritchie avec son Sherlock Holmes. Le film se caractérise par une dominante de bleu et de gris qui fait de Londres une ville sombre, polluée et au coeur du progrès industrie, ce qui correspond tout à fait à l'univers du docteur Frankenstein et à ses expériences bricolées. Il y a une certaine inventivité dans ces expériences, comme lors de la scène de résurrection d'un singe, même si elles auraient mérité d'être plus nombreuses.

Bien sûr, la psychologie du personnage de Frankenstein annoncée par le réalisateur reste superficielle et quelque peu facile. Les ficelles narratives restent très grosses, et l'introspection du personnage est expédiée en une scène, dans laquelle son père lui rend visite. Il ne faut pas s'attendre à une réécriture approfondie du mythe.

Une autre lacune du film reste son manque d'envergure. Le procédé de l'adaptation, au même titre que le remake et le reboot, sert souvent de simple prétexte au film. Il est très fréquent que les réalisateurs n'aillent pas jusqu'au bout de leur entreprise, ni même de leurs promesses. C'est le cas avec DOCTEUR FRANKENSTEIN, qui tourne en rond à sa moitié, et qui comble un manque d'idées par des scènes inutilement contemplatives, là où le film aurait mérité une poussée en action. Néanmoins, le film se rattrape par sa fin, une fin généreusement old school et effrayante, dans laquelle on retrouve un monstre épuré, sans aucune surenchère d'effets spéciaux. Il faut noter en effet que la créature n'a pas été créée en images de synthèse, mais à l'aide de maquillage. Elle est aussi interprétée par un véritable "géant", le français Guillaume Delauney.


Bien qu'il ne fasse pas preuve d'une grande originalité, DOCTEUR FRANKENSTEIN est un film vraiment distrayant, par son action et son humour, et qui tient surtout à son casting de qualité  Daniel Radcliffe est l'un des acteurs les plus stimulants du moment, un moment qui on l'espère perdurera. Ce film pourrait même redonner aux plus jeunes générations le goût du fantastique, usé et galvaudé aujourd'hui par des productions qui ont tendance à le dénaturer.

Docteur Frankenstein (Victor Frankenstein)
Réalisé par Paul McGuigan
Écrit par Max Landis
Avec Daniel Radcliffe, James McAvoy, Jessica Brown, Andrew Scott...

Sortie le 25 novembre 2015

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