vendredi 14 novembre 2014

Entretien avec César Ducasse

César Ducasse nous parle de 
son film Dark Souls

    À l'occasion de la sortie en DVD le 7 octobre 2014 du film franco-norvégien Dark Souls (Mørke Sjeler en norvégien), César Ducasse, co-réalisateur du film avec Mathieu Peteul, revient sur son film, un film de genre singulier qui propose une version nordique et originale du mythe du zombie, et qui apporte une touche de "fraîcheur" dans un genre parfois en mal d'inspiration.

    Né à Toulouse en 1979, César Ducasse étudie à l'ESRA. Il en sort en 2001 et part pour la Norvège en 2003, où il réalise son premier film, Lies Inc.. Entre temps, il réalise deux courts-métrage : Milkman et Cryo. Il va ensuite retrouver son ami Mathieu Peteul, issu lui aussi de l'ESRA et avec qui il a créé la société de production Addict Films, afin de réaliser son deuxième long-métrage : Dark Souls. En 2013 sort le film Dead Shadows, pour lequel Ducasse remplit la fonction de monteur. Il s'associe avec le réalisateur David Cholewa pour créer une autre société de production, Cryofilms.







Comment résumeriez-vous l'histoire de Dark Souls en quelques phrases ?

C'est l'histoire d'un père de famille qui cherche à comprendre ce qui est arrivé à sa fille unique, agressée et laissée en état de légume par un psychopathe armé d'une perceuse. Son enquête va l'amener vers une étrange compagnie pétrolière, qui s'avèrera être responsable de la série d'agressions qui secoue la ville. Derrière ce résumé se cache aussi une allégorie sur la société de consommation.

Avant de sortir en DVD en France le 7 octobre 2014, le film était sorti en 2011 en Norvège. Mais le projet était déjà engagé bien avant. Pourquoi a-t-il fallu près de quatre ans pour que le film sorte ?

Nous avons commencé le projet en 2007, et terminé en 2010. La raison pour laquelle nous avons mis trois ans pour compléter le film est surtout financière : comme nous tournions en pellicule et que nous utilisions pas mal de machinerie coûteuse, nous devions travailler afin de réunir la somme nécessaire au tournage, et bien entendu il nous était impossible de tout réunir d'un coup. Nous avons donc dû fragmenter le tournage en plusieurs sessions, ce qui nous a aussi permis de réfléchir petit à petit au déroulement de l'histoire.

Pourquoi avoir tourné en Norvège ?

C'est un pays qui nous inspirait. Et puis il y a moins de contraintes de tournage qu'en France, et comme en plus j'y habite, cela facilite beaucoup de choses. Après c'est vrai que c'est un des pays les plus chers au monde, mais nous avons réussi à contourner ce problème en obtenant pas mal de réductions.

La Norvège ou la Scandinavie plus généralement sont-elles des destinations idéales pour un jeune réalisateur qui veut tourner son premier film ?

Ce n'est pas le premier endroit qui vient à l'esprit, à cause notamment du coût élevé de la vie, de la météo difficile et de la barrière de la langue, mais il y a un certain côté "retour à la nature" qui peut séduire. Certains paysages sont sublimes et la lumière est très particulière.

Considérez-vous votre film comme un film d'horreur ?

Oui, même si nous y avons greffé d'autres éléments comiques et dramatiques qui ne sont à priori pas habituels dans le genre. Mais c'est une des choses qui nous attirait justement, le mélange des genres, et le fait de rendre l'histoire inhabituelle, imprévisible. Une chose est sûre, il était hors de question pour nous de faire un film trop premier degré, car la vie en soit est absurde et nous ne voulions pas paraître trop sérieux. Réagir à l'horreur par le rire est finalement très humain, et c'est ce paradoxe qui nous intéressait.

Les victimes du tueur à la perceuse ressemblent quelque peu à des zombies. Votre but était-il de proposer une vision revisitée et modernisée du mythe du zombie, très en vogue aujourd'hui ?

Un petit peu, bien que notre approche du zombie, ou de l'infecté, ce qui est plus ou moins la même chose, ne soit pas très originale. En fait, je pense qu'il s'agissait plus de se servir du genre codifié du film de zombie pour en tirer quelque chose d'autre, une sorte de satire sociale, un peu comme dans certains films de Romero par exemple.

Que pensez-vous de l'image actuelle du zombie ?

Je vais être franc, je ne regarde plus trop de films d'horreur, en tout cas pas de films de zombies, déjà parce que j'ai moins le temps, mais aussi parce que j'y trouve de moins en moins mon compte. Et puis c'est bête à dire mais je suis papa de deux petits enfants, et la violence des films d'horreur actuels me dérange. Il y a certainement encore beaucoup de choses intéressantes mais lorsque j'ai le temps de regarder un film je choisis en général un autre genre que l'horreur.

Malgré des films tels que Dead snow, Troll hunter ou encore Cold prey, la production horrifique se fait plutôt rare en Norvège ainsi qu'en Scandinavie. Que pensez-vous de ces films ? Le film de genre trouve-t-il son public en Scandinavie ?

Il y a eu une grosse vague de films d'horreurs et de slashers en Norvège il y a quelques années, avec les Cold Prey, Dead Snow, Rovdyr (Manhunt, ndlr), Snarveien etc, et il est vrai que ça s'est calmé depuis, même si Dead Snow 2 est sorti il y a pas longtemps (sortie vidéo française le 26 novembre, ndlr). Je pense qu'il y a eu un trop grand nombre de films de genre en un court laps de temps, si bien qu'aujourd'hui le public scandinave s'est lassé. Cela explique d'ailleurs le relatif échec au box office de Dead Snow 2. Mais le genre horreur et fantastique ne mourra jamais, il renaitra d'une manière ou d'une autre. Je pense que l'on va vers un retour aux films de genre plus familiaux, comme les Gremlins ou Les Goonies, peut être justement parce qu'on a eu un trop plein de violence et de gore. Certains films récents de genre scandinave, comme Ragnarok ou Captain Sabertooth, pointent en tout cas dans cette direction.

Quelles sont vos influences ?

Pour Dark Souls les influences étaient diverses, mais je dirais que les films de Kiyoshi Kurosawa ont été l'élément déclencheur du projet. L'idée de propagation d'un mal dans la société, via une sorte de virus, vient de là, de même que certaines idées de mise en scène de l'horreur latente. Après je suis un grand fan des premiers Cronenberg, Hooper, Lynch ou Tsukamoto, mais aussi de l'humour absurde des Monthy Python ou encore des films de McTiernan, Predator en tête. Même le jeu Shadow Man d'Acclaim a été une source d'inspiration. Tout cela se retrouve un peu dans Dark Souls, consciemment ou inconsciemment. C'est un grand melting pot : c'est ça de tourner un film sur une si longue période. La fin dans l'usine est directement inspirée du film The Arrival de David Twohy, alors que d'autres scènes n'ont même pas été planifiées et ont été improvisées sur le tournage. Nous avions par moment le sentiment de faire une série B de zombies, à d'autres moments c'était plutôt le genre dramatique qui prédominait, puis la comédie noire etc. Je pense que c'est cela qui fait la force du film mais pose aussi ses limites.

Avez-vous d'autres projets ?

Oui plusieurs, mais je ne sais pas encore lequel se fera en premier. Je suis actuellement à Los Angeles pour l'AFM (American Film Market, ndlr) afin de financer un projet sur lequel je travaille avec David Cholewa, pour qui j'avais monté le film Dead Shadows. Il s'agit d'un film fantastique d'inspiration 80's que David réalisera courant 2015 au Canada. Du moins tout va dans ce sens, après dans ce métier on n'est jamais sûr avant d'être physiquement sur le plateau. Je travaille aussi sur un projet plus personnel en Norvège, un thriller réaliste dans le milieu rural nordique mais avec des relents fantastique. Je crois que j'aime trop le fantastique pour arriver à m'en passer.

Pour finir, quel conseil donneriez-vous à une personne qui veut se lancer dans la réalisation ?

D'abord ce n'est jamais facile financièrement lorsqu'on commence, et il faut souvent faire beaucoup de concessions. Donc avoir un emploi alimentaire à côté me semble être obligatoire, si possible dans le milieu audiovisuel. Après il faut être prêt à se consacrer trois ans à un projet. Être têtu, courageux, humble et surtout bien réfléchir avant de tourner, parce que le film que vous ferez sera fixé dans le temps - et ses erreurs aussi.


Un grand merci à César Ducasse pour cet entretien !
Propos recueillis par Lucas Hesling.


Dark Souls

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