lundi 14 juillet 2014

Big bad wolves

Après le slasher Rabies, les réalisateurs israéliens Navot Papushado et Aharon Keshales s'attaquent à BIG BAD WOLVES, un comico-thriller qui vire au torture porn.


Titre : Big bad wolves
Titre original : Mi mefakhed mehaze'ev hara
Réalisation : Navot Papushado et Aharon Keshales
Scénario : Navot Papushado et Aharon Keshales
Acteurs : Lior Ashkenazi, Rotem Keinan, Tzahi Grad, Guy Adler, Dvir Benedek, Gur Bentwich, Doval'e Glickman...
Sortie en salles : 2 juillet 2014
Genre : Horreur

Synopsis : Une série de meurtres d'une rare violence bouleverse la vie de trois hommes : le père de la dernière victime qui rêve de vengeance ; un policier en quête de justice qui n'hésitera pas à outrepasser la loi ; et le principal suspect - un professeur de théologie arrêté et remis en liberté suite aux excès de la police. Forcément, ça ne peut pas donner une enquête classique...

Ma critique : BIG BAD WOLVES démarre fort, avec un très beau générique au ralenti aux allures fantastiques, magnifié par la photographie colorée de Giora Bejach que l'on ne cessera d'admirer tout au long du film, et par la musique de Frank Ilfman. De quoi donner l'eau à la bouche. S'ensuit un thriller fascinant, où l'on place d'entrée de jeu le suspect soupçonné de pédophilie. Ce dernier, d'abord la proie d'un policier on ne peut plus classique, interprété par Lior Ashkenazi (Tu marcheras sur l'eau, Footnote), excellent, en veste de cuir, recourant à des pratiques de flic quelques peu has been - l'interrogatoire au bottin, la technique du bon et du méchant flic - avec lesquelles Papushado et Keshales jouent astucieusement, notamment lors d'une scène où le policier emmène le suspect dans les bois pour lui faire creuser sa tombe, une scène vue et revue.

Déjà, à ce stade du récit, on trouve que les pratiques du policier sont violentes, mais ce n'est rien face à ce qui arrivera dans la deuxième partie du film, lorsque ce sera au tour du père de l'une des victimes de faire parler le suspect. Mais restons-en à la première partie du film, la meilleure. C'est donc avec un certain humour mais surtout une maîtrise admirable de la mise en scène que les deux réalisateurs israéliens proposent un thriller prenant et esthétiquement très réussi, avec par exemple une course poursuite à pied entre le policier et le suspect, avec un très beau travail sur le son.


Malheureusement, ce bon départ se délite dans la deuxième partie du film. Alors que la première faisait preuve d'un art du suspens, de la mise en scène et d'un montage rythmé, avec des scènes tournées à l'extérieur, la suite s'enferme dans un huis-clos. Tout s'oppose à la première partie - unité de lieu, unité de temps. BIG BAD WOLVES perd de son souffle, et propose une deuxième partie fainéante et purement malsaine, Papushado et Keshales faisant de leur thriller malin un torture porn gratuit. Si l'on ne voit pas grand chose de gore, c'est du côté du propos véhiculé par le film que celui-ci dérange. Le suspect, vu depuis le début comme une victime par le spectateur, fautes de preuves, provoque alors non pas l'empathie, faute d'une focalisation sur les tortionnaires et non sur la victime, mais une identification dans la douleur. 

Ayant fait confiance aux deux cinéastes durant la première partie, on se dit qu'ils seront assez malins pour ne pas succomber à la torture gratuite, après déjà un premier sévisse plutôt soft. Eh bien non. Les tortures se répètent, les acteurs aussi, ainsi que l'humour. Un humour plus que convenu, un humour ringard, qui consiste à  faire contraster l'horreur des tortionnaires avec leur intimité - leurs sonneries de téléphone portable décalées, leur vie de famille... Le spectateur n'est pas dupe. A force de croire non coupable le suspect devenu victime, il devine la fin du film. Une fin avec une morale idiote et purement malsaine, qui légitime toute la violence du film et les sévices infligés par les tortionnaires.


Peu importe la culpabilité du suspect, la torture, "c'est pas bien". Et c'est encore moins bien quand elle est mal utilisée au cinéma et justifiée, au point de faire de ce BIG BAD WOLVES un film douteux. On se demande comment un tel contraste entre une première partie relevant d'un thriller savoureux et intelligent et une deuxième partie aussi vile à t-il pu opérer. Néanmoins on retiendra le jeu admirable des acteurs et quelques répliques assez cocasses, et on espérera retrouver dans les prochains films de Navot Papushado et Aharon Keshales la fougue de la première partie de BIG BAD WOLVES et non pas la violence facile de la deuxième partie, surtout que les films de genre israéliens, entre les films sociaux et politiques, se font rares.


De gauche à droite : Lior Ashkenazi, Rotem Keinan, Doval'e Glickman et Tzahi Grad
















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